Témoignages

115, le numéro où parfois, tout commence

Numéro d’urgence pour les personnes sans abri, le 115 représente l’un des dispositifs emblématiques de cette double mission d’écoute et d’orientation.

Le 115, c’est le numéro vers lequel converge, sept jours sur sept, les demandes de mise à l’abri des personnes à la rue. Tarmac en assure, pour le compte de l’État, le pilotage et le fonctionnement. Ici, tout se joue autour de deux téléphones et d’un système informatisé permettant de connaître et de gérer, en temps réel, les places d’hébergement d’urgence disponibles sur le département de la Sarthe.

Car si le rôle de l’écoutant est d’orienter vers une solution, tout dépend bien sûr des places disponibles. Malgré une hausse de la capacité d’accueil, le 115 ne peut répondre à l’ensemble des besoins. Une attention particulière est accordée aux situations complexes et aux personnes les plus vulnérables. Femmes enceintes, victimes de violence, familles avec enfants… Mais « parfois, on n’a pas de solution », déplore Jeanne. En 2018, 61 % des demandes ont, par exemple, pu être satisfaites. Un pourcentage qui évolue heureusement à la hausse.

Car le rôle du 115 est aussi de faire remonter les informations vers les services de l’État afin de faire évoluer au mieux les dispositifs d’accueil. Au-delà de la mise à l’abri immédiate, la plateforme téléphonique fait partie du volet urgence du Service Intégré de l’Accueil et de l’Orientation (SIAO). Au fil des appels, les écoutants identifient certains besoins, des risques et des problématiques, par exemple de santé qui, transmises aux travailleurs sociaux, viendront guider l’orientation des personnes vers les structures et dispositifs les plus adaptés. Pour que l’urgence cède la place à un parcours d’accès vers le logement.

Ce jour-là, Jeanne et Sofia sont de service et la sonnerie n’a de cesse de retentir. En matinée, le rythme des appels est toujours soutenu. Chacun cherche une solution au plus vite pour ne pas vivre ou revivre une nuit d’errance. « 115, bonjour ». Jeanne décroche. Un léger sourire teinte sa voix d’une douceur apaisante. Comme une façon d’établir un lien humain au-delà de l’anonymat.

Les appels se succèdent. Près de 20 000 par an. Les demandes sont nombreuses et les situations variées. Violence conjugale, expulsion locative, jeunes chassés de chez eux ou fraîchement sortis des dispositifs d’aide à l’enfance, personnes isolées, familles étrangères en demande d’asile… Certaines ne parlent que quelques mots de français.

« On se débrouille, avec un peu d’anglais, d’espagnol, des bribes d’arabe », raconte Sofia.

Nom, date de naissance, nationalité, situation administrative… Un travailleur social expose le cas d’une jeune femme demandeuse d’asile en fin de grossesse. Soigneusement notées, les informations seront transmises au Service Intégré de l’Accueil et de l’Orientation (SIAO), pour, au-delà de l’urgence, construire une solution d’hébergement adaptée. Autre appel, autre situation. Une femme cherche un abri pour la nuit prochaine. Jeanne l’oriente vers la caserne des pompiers, l’écoute, la rassure. A croire qu’elle la connaît, alors qu’elle ne l’a jamais vue.

« L’hébergement se fait nuit par nuit », explique-t-elle. « Les places ne sont jamais confirmées d’office ». Alors, certaines personnes téléphonent presque chaque jour. D’appel en appel, de conversation en conversation, une relation s’établit. Sans visage.

« On reconnaît les voix. On sent, à leur ton, si les gens sont épuisés, déprimés. On ne les rencontre jamais mais on finit par les imaginer. Certains ont besoin de parler. Ils sont affolés, désespérés. Ils s’énervent.  Alors on écoute, on rassure, on explique… Parfois, on ne peut pas faire plus ».