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Savoir aussi accueillir les pleurs

Témoignage de Nelly Bosete, coordinatrice de l’accueil de jour familles

« L’accueil de jour est ouvert à toutes les familles qui n’ont pas de résidence stable et se trouvent dans les dispositifs d’hébergement d’urgence. On reçoit quelques familles françaises mais aussi et surtout beaucoup de familles étrangères, primo-arrivantes, qui ont déposé une demande d’asile ou de titre de séjour. Mon rôle, en tant que coordinatrice, est d’encadrer l’équipe de bénévoles mais aussi d’écouter et d’orienter les accueillis.

Certaines familles arrivent très abîmées. Il y a souvent eu des violences, parfois de la malnutrition , des traumatismes dans le pays d’origine comme pendant le voyage. Puis, une fois arrivée, il y a l’attente, la peur de l’avenir, l’impression d’être ballottée, impuissante, invisible. Sans compter les préjugés qui pèsent sur les demandeurs d’asile, trop souvent soupçonnés de mentir. Parce qu’il n’y a pas toujours de blessures, de traces visibles. Parce que les personnes, parfois, ne parviennent pas à raconter ce qu’elles ont vécu.

C’est mon rôle de les soutenir et de les accompagner. De les préparer, par exemple, aux entretiens avec l’OFPRA. J’ai vu des familles être déboutées alors qu’elles relevaient de l’asile. Mais elles ont eu peur, elles ont perdu leurs moyens, n’ont pas tout raconté, se sont contredites. Il faut savoir que les entretiens sont une épreuve. Les personnes, souvent, en ressortent avec le sentiment d’avoir été piégées, soupçonnées de mensonge. Avec le sentiment d’avoir été traitées comme des coupables, alors que ce sont des victimes !

A l’accueil de jour, j’essaye de les soutenir, de les rassurer, d’accueillir les souffrances, les peurs. Les pleurs, aussi. La plupart des personnes s’interdisent de craquer, pour protéger leurs enfants, leur conjoint. Mais certaines me disent être au bord du suicide, avoir envie d’ouvrir le gaz et de s’endormir. Pouvoir entendre ça, même sans avoir de solution à proposer, sans les bercer d’illusion, c’est mon métier. Quelque chose qui ne s’apprend que par expérience. Une façon fraternelle d’être avec les autres ».