Un refuge en attendant l’asile

 En 2015, l’État décide de résorber les jungles de Calais, ces campements de fortune où se massent les réfugiés, dans l’attente de la traversée qui les mènera, enfin, en Angleterre. Des centaines d’Afghans, de Soudanais, d’Erythréens, grimpent dans des cars. Un peu partout en France, s’ouvrent des Centres d’Accueil et d’Orientation, structures éphémères dans lesquelles ils seront hébergées en attendant que leur demande d’asile soit instruite et qu’une décision positive mette, peut-être, un terme à leur errance.

La Sarthe fait partie des territoires d’accueil. Au Mans, un bâtiment autrefois occupé par la Direction départementale de l’aménagement du territoire est vacant, rue Mariette. Les anciens bureaux  sont transformés en chambre, quelques douches rapidement construites et des cuisines sommairement aménagées. Les lieux sont spartiates mais la situation ne doit être que provisoire. Cinq ans plus tard, pourtant, le site de la Mariette est toujours en activité. Le Mans accueille toujours des demandeurs d’asile, orientés par l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration. Les héberger et les accompagner dans leur parcours constitue une part importante des missions de Tarmac qui, sur ce volet également, répond à une commande de l’État.

Aujourd’hui, l’association gère 336 places d’hébergement pour demandeurs d’asile, réparties sur deux sites.

Celui de la Mariette, au Mans, accueille exclusivement des hommes isolés. Il comprend cinquante places en foyer collectif et cinquante-huit autres dans des appartements en colocation. S’y ajoutent vingt-huit places en hôtel pour les cas d’urgence.

Celui de Sargé, rattaché au siège de l’association, s’adresse majoritairement aux familles et  comprend deux cent places en logement diffus, c’est-à-dire sur des appartements situés au Mans, à Coulaines, Allones, Le Lude et Château du Loir.

Sur l’ensemble de ces deux sites, c’est toute une équipe qui se mobilise. Douze professionnels aux profils et aux compétences variés pour accompagner la vie quotidienne, soutenir les démarches administratives, épauler sur la demande d’asile, préparer l’après. A leurs côtés, services civiques et bénévoles prennent en charge l’animation, la convivialité, l’ouverture sur l’extérieur et une première approche de la langue et de la culture française.

« Notre mission, c’est d’accueillir les personnes avec dignité. Qu’on se donne du temps pour la socialisation, l’intégration », résume Alexandre Bulot, responsable du service demande d’asile. Une mission qui dépasse le cahier des charges défini par l’État mais apparaît fondamentale pour l’avenir des personnes en demande d’asile. Notamment pour donner sens à l’attente interminable dans lesquelles elles sont plongées.

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Aider la personne à raconter, pour accompagner la demande d’asile

Par les délais et l’incertitude qu’elle implique, la demande d’asile est une procédure anxiogène. Pour Fabien Chenuau, coordinateur et référent juridique sur l’hébergement d’urgence de la Mariette, une façon de gérer l’attente et de s’affranchir du sentiment d’impuissance qu’elle provoque est de « s’appliquer à être le plus acteur possible de sa demande d’asile ». C’est en tout cas en ce sens qu’il accompagne les personnes.

Se tenir informé des événements dans son pays d’origine, pour non seulement prouver ce qui  a été vécu mais aussi alerter sur les risques à y retourner. Renforcer la cohérence de ses propos, la capacité à raconter son histoire. Deux démarches qui peuvent paraître évidentes mais qui ne coulent pourtant pas de source quand on a été victime.

« Il faut être en mesure de se décentrer de ses propres évidences. Cela veut dire, par exemple clarifier, contextualiser des éléments de son parcours qui, pour soi, s’imposent mais qui ne sont pas clairs, évidents, pour une personne française ». Cela implique aussi de dire ce qu’on voudrait peut-être taire.Le stress post-traumatique peut déboucher sur des incohérences, des dénis. « Il faut s’appliquer à remettre les histoires dans l’ordre. Identifier les mécanismes réactionnels qui sont une preuve du traumatisme vécu. Chercher les preuves, les documents qui étayeront la parole, expliciteront les incohérences éventuelles. »

 Accompagner dans ce travail revient, pour Fabien Chenuau à jouer un rôle d’interface entre deux visions, deux mondes. « Il faut comprendre la personne, être en empathie avec elle, pour ensuite l’aider à raconter son histoire dans un langage entendable dans le contexte qui est le nôtre. Il faut être un pont entre deux registres ».

« Je nous vois comme des passeurs de vie »
Témoignage d’Alexandre Bulot, chef de service demande d’asile

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